3VMA7TRG Traduction générale

Programme

 
Ouvrir l’auberge, accueillir le corps.
« Ouvrir l’auberge », faire de la langue maternelle un « espace-de-langue ouvert et fondamentalement accueillant... (car) pour le cœur maternel de la langue maternelle toutes langues sont proches et parentes. » (Berman, Antoine, La traduction et la lettre, ou l’auberge du lointain, Paris : Seuil, 1991, p.141). Il s’agira ici de faire droit à un souci éthique et méthodologique en explorant les modalités d’accueil du système dynamique de l’autre langue, mais aussi et surtout, de l’exploitation singulière qu’en fait chaque auteur. Travaillant notre langue en son cœur-même, nous tenterons de lui faire atteindre des « couches insoupçonnées de son être. »
Faire tendre les langues vers un point « d’acceptabilité » mutuelle et non pas annexer l’autre langue pour en abandonner le corps dans les marges obscures, voilà l’horizon. « Accueillir le corps », c’est précisément de cela qu’il s’agit, ce corps dont Derrida nous dit que c’est illusion pour la traduction d’espérer « le transporter dans une autre langue. Il est cela même que la traduction laisse tomber. Laisser tomber le corps, telle est même l’énergie essentielle de la traduction ». (L’écriture et la différence, J. Derrida, Seuil, Paris, 1967, p. 312.) Nous tenterons de nous confronter à cette limite. Nous serons ainsi conduits à dépayser notre propre langue, à œuvrer pour que le corps étranger, quoique nécessairement parent, de l’autre langue dépose sa trace dans le corps de notre traduction. Nous travaillerons ainsi au cœur-même du paradoxe central inhérent au texte littéraire, à savoir que c’est sa singularité même qui prescrit la nécessité et l’impossibilité du traduire. (cf. Derrida: Psyché, Invention de l’autre, p. 220.) Il faudra donc faire œuvre poétique, c’est-à-dire créatrice.
Nous aborderons, entre autres, des textes « littéraires », dont les gestes créatifs défient et appellent la traduction, mais aussi un certain nombre de textes issus des sciences humaines, sociologie, histoire, philosophie, ce qui nous permettra de mesurer tout ce qu’un grand texte critique doit à la métaphore, à l’originalité de sa syntaxe, à sa « mythologie blanche. »
Enfin, comparant  diverses traductions d’un même texte, on tentera de mettre en évidence les partis pris, les impensés, les audaces, ruses, coups de force au principe du combat avec la voix singulière de chaque créateur, et  parallèlement on veillera à faire apparaître via leur corps-à-corps les modes opératoires des langues entre elles. Le cours sera orienté vers la traduction de l’anglais en français; cependant deux séances seront consacrées à la trajectoire inverse.
Ce travail de traduction et traductologie s’appuiera sur un ensemble de textes critiques et/ou philosophiques qui figurent dans la bibliographie indiquée ci-après.

Bibliographie

Ouvrage obligatoire :
OUSTINOFF, Michaël, La traduction, Paris : Puf (Coll. Que sais-je ?), 2009 (3e éd. corrigée).

Ouvrages conseillés :
BENJAMIN, Walter, Œuvres I, Paris : Gallimard (Coll. Folio essais), 2009, « La tâche du traducteur »,  P.244-262.
BERMAN, Antoine, La traduction et la lettre, ou l’auberge du lointain, Paris : Seuil, 1991.
CASSIN, Barbara, Plus d’une langue, Paris : Bayard (Coll. Les petites conférences), 2012.
DERRIDA, Jacques, Psyché (tome 1) : Inventions de l’autre, Paris, Galilée, 1998 (1ère éd. 1987), « Des tours de Babel » (1980), p.203-236.
GUILLEMIN-FLESCHER, Jacqueline (Dir.), Linguistique contrastive et traduction, Paris : Orphys, 1992.
MESCHONNIC, Henri, Éthique et politique du traduire, Lagrasse : Verdier, 2007.
OST, François, Traduire : Défense et illustration du multilinguisme, Paris : Fayard (Coll. Ouvertures), 2009.
OUAKNIN, Marc-Alain, Bibliothérapie : Lire, c’est guérir, Paris : Seuil, (Coll. Points sagesses), 1994, p.155-181.
RICOEUR, Paul, Sur la traduction, Paris : Bayard, 2004.

Mis à jour le 18 avril 2017